
L’Histoire des Maîtres des Lieux

La splendeur de La Folie Boulart est le fruit d’une convergence idéale entre les rêves des commanditaires et les talents de ceux qui les ont réalisés.
Marthe et Charles Boulart
Dès l’arrivée au château, le regard est attiré par les volutes dorées d’un M qui surmonte la grille. Un M qu’on retrouve, mêlé à un B et un C, gravé, sculpté ou forgé, sur un fronton, une porte, une rampe d’escalier ou au plafond d’une voûte. Ainsi est évoquée l’identité des maîtres des lieux : Charles et Marthe Boulart.

Né à Linxe dans les Landes en 1828, Charles Boulart est maître de forges à Castets. Propriétaire de milliers d’hectares de pins, solidement implanté dans sa région, cet homme influent est conseiller général des Landes. Il aime passionnément les arbres et la chasse et crée, autour du château familial, un immense parc où il constitue une collection remarquable de végétaux.
En 1865, il épouse une Bordelaise, Marthe Darricau, petite-fille d’un général baron d’Empire et fille d’un intendant général sous Napoléon III. Charles et Marthe Boulart, proches du couple impérial, choisissent de s’implanter à Biarritz, la villégiature mise à la mode par l’Impératrice et d’y faire bâtir une demeure prestigieuse. S’impose alors de trouver un terrain et une situation exceptionnels : ce seront cinq hectares à soixante-trois mètres au-dessus de l’océan avec une vue panoramique, des bois, un lac ; l’acte d’achat est signé en 1872.
La chute du Second Empire en 1871 n’a pas changé la réputation de Biarritz où se perpétue la vie mondaine d’une haute société cosmopolite qui fréquente la ville assidûment.
Un Palais à l’Architecture d’un Hôtel Particulier

Pour assurer la réussite de son ambitieux projet, Charles Boulart choisit un architecte à la carrière prestigieuse, Joseph Louis Duc, lauréat en 1869 du Grand Prix d’architecture créé par Napoléon III, et lui accorde des moyens quasiment illimités.
Né en 1802, Grand Prix de Rome en 1825, Duc parfait ses connaissances en parcourant l’Italie et la Sicile. À son retour, il est chargé d’achever la « colonne de Juillet » place de la Bastille puis est nommé architecte du Palais de Justice. Ce chantier d’une ampleur sans précédent implique un remaniement de l’ensemble des bâtiments et la création de la Cour de Cassation ; une tâche à la mesure de cet homme porteur d’une très haute idée de son métier. La villa de Biarritz restera le seul chantier privé que Duc aura mené dans sa carrière, à l’exception de sa propre demeure à Croissy-sur-Seine. Il y déploiera en toute liberté la parfaite maîtrise de l’esthétique et des complexités de la construction qu’il a acquise durant ses longues années d’expérience.
Pour la commande de Charles Boulart, il se fait assister par un jeune collaborateur, premier inspecteur des travaux à la Cour de Cassation, François Roux. Après de brillantes études d’architecture à Lyon et Paris, ce dernier s’est distingué à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1867 par un premier prix pour l’édification d’un pavillon des Cachemires et la réalisation d’aquarelles illustrant les Albums du Parc offerts à Napoléon III.
En novembre 1874, les plans de la Villa étant achevés, Roux remet à Charles Boulart une perspective qui nous la montre telle qu’on peut l’admirer encore aujourd’hui dans son élégance et sa grandeur : un exemple unique d’architecture savante.
La direction et la coordination du chantier requièrent à Biarritz un architecte d’expérience. Ce sera Oscar Tisnès qui exerce la fonction d’inspecteur de l’agence des bâtiments des palais impériaux de Pau et de Biarritz ; il a, à ce titre, suivi les travaux puis l’entretien de la Villa Eugénie bâtie par l’Empereur en 1854. Parmi ses chantiers biarrots, on compte aussi l’Hôtel d’Angleterre, l’Hôtel Victoria, le British Club et, plus tard, l’église orthodoxe.
C’est alors que sont recrutés des artistes et artisans au savoir-faire éprouvé – souvent ceux qui travaillent en parallèle à la Cour de cassation ‒ et que sont choisis des matériaux de grande qualité pour parvenir à l’excellence.
Quant au jardin, il est somptueux, agrémenté de nombreuses fontaines et bassins. On y trouve aussi les écuries et les dépendances.
Tout y est donc luxueux et dans le style monumental à la mode en cette fin de XIXème siècle dans le milieu de la haute bourgeoisie.
L’art et la nature se côtoient en parfaite harmonie. La Folie Boulart est un véritable cadeau à dame Nature : l’air est pur chargé d’iode, depuis le château, les vues s’élancent vers la montagne et l’Atlantique avec ses plages immaculées.
La façade présente à l’angle nord une tour ronde et à l’est une tour carrée puis octogonale dans sa partie supérieure. Une terrasse à colonnes jumelées occupe la façade sud et offre une vue panoramique incomparable sur le phare. Tout autour de l’édifice, une corniche à modillons habille les murs. La construction est surmontée d’un toit d’ardoises percé de lucarnes à coquilles.

Au rez-de-chaussée, un portique composé de huit colonnes hautes de deux mètres soixante-dix, affirme la majesté de l’atrium : ces magnifiques fûts monolithiques en Sarrancolin « Fantastico » d’un mètre dix de circonférence proviennent de la carrière d’Ilhet dans les Hautes-Pyrénées – carrière d’où sont originaires aussi des colonnes de l’Opéra Garnier.
Le plafond en coupole travaillé en pierre de Crazannes est inspiré de la chapelle Sixtine et la galerie polygonale du premier étage éblouissent par leur somptuosité.
Le regard est attiré par la blancheur lumineuse du premier étage et la pureté de ses huit fûts de colonnes en marbre de Carrare blanc veiné de la Province de Massa.
Paysage de songe…
Une fabuleuse perspective s’ouvre au cœur de la volée d’escalier de La Folie Boulart.
L’hommage à la vie, à la convivialité, l’invitation au plaisir de boire, à l’exubérance transparaissent dans un Dionysos, une tête cernée de grappes de raisin,
ou dans le carrousel du dieu Pan qui domine la volée d’escalier.
Le garde-corps forgé en fonte est doré à la feuille d’or et vient parfaire cette impression de faste.
Les vitraux du hall, véritable prouesse technique, sont l’oeuvre du peintre-verrier français Eugène Oudinot.
L’aspect laiteux du verre, la délicatesse et la précision de la perspective donnent au triptyque de la profondeur et du relief. Ce mode de dessin, le trompe-l’œil, fait alors l’objet d’un certain engouement car le regard se perd, par la magie, dans l’illusion d’un jardin de treillage avec guirlandes de fleurs, arcades et végétaux.

La folie mondaine d’un Palais

En effet, Biarritz voit défiler pour des escales plus ou moins longues de nombreux aristocrates, rois et reines de nationalités différentes. Tous affectionnent les paysages de la ville côtière, cette douceur de vivre, ce climat clément que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Ils y apprécient aussi ce mélange de simplicité et de grandeur qui font de Biarritz une ville cosmopolite et attachante. Ils se laissent séduire par les flâneries en bord de plage, par l’architecture folle et baroque des manoirs stuqués et des villas rococo.
Biarritz est à la Belle-Epoque, durant les Années Folles et encore aujourd’hui très prisée des hommes politiques, des écrivains, des musiciens, des peintres et des stars du grand écran.
Celle dont la devise est « J’ai pour moi le vent, les astres et la mer » suscite ainsi l’engouement des personnalités.
Biarritz attire les célébrités de tous les pays.
Ils y apprécient en particulier l’inventivité de l’architecture, mélange de styles et d’influences qui rendent la ville unique. Ils y apprécient les paysages à couper le souffle, la nature préservée et ces surprises visuelles qui surprennent à chaque coin de rue, à chaque trouée sur l’océan. Ils y apprécient ce climat clément qui a toujours séduit les visiteurs anglais et russes en particulier. Ils y apprécient le luxe de ces grands magasins qui sont la marque de l’élégance à la française. Ils y apprécient la convivialité des basques et leurs coutumes préservées depuis des millénaires. Ils y apprécient la gastronomie hédoniste des cidreries, des bars à tapas ou des restaurants étoilés. Ils y apprécient la richesse de la vie culturelle et des festivités qui y sont proposées. Ils y apprécient enfin la magie d’une ville aux plages sauvages, aux promenades bordées de tamaris élégants et aériens, aux rues piétonnes pavées et raffinées.
Une ville onirique où le temps semble aboli…
La colonie russe est sans doute l’une des plus nombreuses à séjourner à Biarritz. Le climat de la côte, les stations thermales, les grands hôtels luxueux attirent une clientèle friande de fêtes et de soleil. Au XX ème siècle et jusqu’à la fin des Années Folles, les touristes russes migrent en si grand nombre à Biarritz que l’on rebaptise les mois de septembre, octobre et novembre de « saison russe ». C’est une saison élégante jalonnée de fêtes somptueuses : le Casino Bellevue organise des manifestations qui dépassent en beauté les plus belles réceptions du temps de l’impératrice Eugénie. En 1890, la construction de l’édifice cultuel orthodoxe, subventionné par des membres influents de la colonie russe, proclame elle aussi la ferveur des Russes pour la ville.
Fêtes, réceptions, chasses au renard dans les bois alentour s’enchaînent.
Biarritz, qui ne connaît pas d’éclipse en dépit de la chute de Napoléon III en 1871, est un point d’attraction international.
Têtes couronnées et noblesse se donnent rendez-vous à la belle saison à Biarritz.
Des personnalités du monde entier y prennent leurs quartiers d’hiver, font bâtir des villas parfois spectaculaires, aucune ne prétendant rivaliser avec La Folie Boulart.
De grands bals sont organisés réunissant des têtes couronnées de tous les pays : bals costumés, fêtes de la colonie anglaise, concerts et spectacles en plein air, embrasement des falaises. Les réceptions mondaines se succèdent, les rues fourmillent de beau monde. Biarritz est la capitale du bien vivre, du luxe à la française dans un cadre enchanteur.