Il est des noms que l’Histoire a gravés dans la pierre, mais que le temps a rendus discrets. Joseph-Louis Duc appartient à cette lignée d’architectes dont l’œuvre parle à sa place. Son nom se lit sur la Colonne de Juillet, se murmure dans les galeries du Palais de Justice de Paris, et se devine derrière les murs feutrés de La Folie Boulart.
De Rome à Paris : une formation d’excellence
Né à Paris en 1802, Joseph-Louis Duc incarne l’architecte du XIXe siècle dans ce qu’il a de plus noble. Formé à l’École des Beaux-Arts, il est l’élève de Charles Percier, figure majeure du style Empire. En 1825, il reçoit le Prix de Rome, prestigieuse distinction qui l’envoie plusieurs années à la Villa Médicis. Là, il côtoie une génération brillante — Henri Labrouste, Félix Duban, Léon Vaudoyer — et s’imprègne des formes antiques, de la rigueur classique, et d’un certain goût pour la monumentalité contenue.
L’art de structurer la République
De retour à Paris, il est nommé en 1831 assistant pour la construction de la Colonne de Juillet, hommage aux Trois Glorieuses. Après la mort de Jean-Antoine Alavoine, il reprend seul le projet, y apportant sa signature : un équilibre entre l’élan vertical et l’assise symbolique. Cette première commande marque le début d’un compagnonnage avec les institutions républicaines.
En 1840, Joseph-Louis Duc devient l’architecte du Palais de Justice de Paris, une responsabilité qu’il assume pendant près de quarante ans. Il y façonne des espaces à la hauteur des fonctions qu’ils abritent : la Cour de Cassation, la salle des Pas-Perdus, les escaliers d’honneur. L’architecture devient alors une manière de dire le droit, d’imposer la solennité, sans ostentation. Après les destructions de la Commune, il participe à la reconstruction avec une constance admirable, réhabilitant notamment la façade sur la place Dauphine.
Un projet singulier : le château Boulart
L’histoire aurait pu s’arrêter aux palais officiels. Mais en 1877, Joseph-Louis Duc signe une œuvre bien différente : le château Boulart, à Biarritz. Une commande privée, rare dans son parcours. Ce château, aujourd’hui devenu La Folie Boulart, révèle une autre facette de l’architecte : celle du créateur d’intérieurs, de volumes habités, d’élégance intime.
Ici, pas de grandiloquence. L’éclectisme de style épouse les lignes de la côte basque, l’ornementation ne cède jamais à l’excès. Tout est dosage, retenue, et maîtrise. Le château ne cherche pas à impressionner. Il propose un cadre, un rythme, un équilibre : ce qu’on attend d’un lieu de retraite, d’inspiration ou de réception d’exception.
L’empreinte d’un maître
Reconnu de son vivant, Joseph-Louis Duc est promu Commandeur de la Légion d’honneur et reçoit, en 1876, la Royal Gold Medal du Royal Institute of British Architects — distinction rarement accordée à un Français. Son style, fait de rigueur classique et d’adaptabilité silencieuse, traverse les époques sans jamais s’imposer.
Il meurt à Paris en 1879. Son œuvre, elle, demeure. Et dans les murs de La Folie Boulart, elle murmure encore.